vendredi 30 novembre 2007

Répondre à la question


De quelle façon un film que vous avez vu récemment parle t-il de la chose commune ? autrement dit pose-t-il selon vous une question politique ?


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vendredi 16 novembre 2007

Dans la vallée d'Elah

On brûle un enfant.

Le film est une dénonciation forte de la politique de l'administration Bush bien sûr. Mais nous réfléchissons à l'une de ses métaphores : L'Irak comme barbecue. A la justification moralisatrice de l'action des USA en Irak, se substitue la leçon du film qui se traduirait en fin de compte par : celui qui grille est grillé. Ballade autour de quelques autres films américains et d'un film français


Avant l'analyse du film un peu de subjectivité : retour arrière sur une image de télévision : L'image la plus forte que j'ai reçue, étant enfant, venait de l'actualité : pendant la guerre au Vietnam, dans les News du journal télévisé, on voit une scène : où un homme, un combattant Vietnamien, est transformé en torche, pendant qu'un soldat américain dit à ses camarades : " le mec est en train de cramer". Sa parole m'est parvenue comme un plus grand choc que l'image elle-même.


Autre forme de destruction : La métaphore du barbecue dans le film : dans La vallée d'Elah, la destruction est d'emblée prise dans le fratricide. Et même plus, dans l'infanticide. Il s'agit d'une destruction interne (nos enfants) à travers la destruction de l'autre (Les enfants de l'Irak). C'est ce qui fait aussi la force du film. Dans cette réflexion, l'enfance devient commune. La destruction de l'enfant a valeur de symbole. C'est une allégorie dans le film. mais aussi bien une métonymie : ce père et cet enfant valent pour tous les pères et tous les enfants de l'humanité. On appuie le symbole de façon lourde. Le visage désolé, ravagé de Tommy Lee Jones, devient celui de l'Amérique.



Le village des damnés

En revanche cela me rapelle tout de suite une des premières séquences du film de John Carpenter "Le village des damnés". Au début du film, tous les habitants du village s'endorment pendant la fête de l'école. On retrouve l'homme qui s'occupait du barbecue la tête carbonisée. Le lien me semble après coup d'autant plus proche, que dans le , il s'agit bien de meurtre venant de la communauté, et de ceux qui en sont les plus innocents.

Dans la vallée d'Elah une photo prise par un téléphone portable, celle d'un enfant irakien écrasé, renvoie au soldat assassiné qui a pris cette photo, aussi bien qu'à son camarade qui condisait le véhicule et en est le responsable : ils sont devenus de par le conflit des machines de mort agissant par automatisme mais aussi sur ordre venu d'en haut (ne pas faire de quartier vu la situation de guet-apens). Dans le village des damnés, l'ordre est venu d'une autre planète, d’une extériorité radicale.

Body snatchers.

Sommes-nous dans nos systèmes politiques actuels dans un mauvais film, du genre "Body snatchers", de Ferrara. L'invasion des profanateurs de sépultures. Sommes nous possédés de l'intérieur ? Au-delà, la référence au canibalisme de Dans la vallée d'Elah est patente. Le désert dans lequel le corps est retrouvé asseoit le contexte d'un retour à l'archaïsme. Et on ne peut s'empêcher de faire une association entre le poulet mangé après le meurtre par la bande de copain, et le cadavre retrouvé carbonisé. La même association que l'on avait avec le barbecue du Village des damnés. Enfin et surtout c'est un retour au tribalisme, que cautionne en fin de compte l'establishment en Irak. Tribalisme de tous les pays. exactement comme en Tchétchénie. Tribalisme des factions et de l'armée russe elle-même. La dérive tribaliste est l'une des dimensions les plus fortes de négation de la chose commune. Dans le film de Carpenter c'est un paradoxe à bien des égards, qui permet à Carpenter de sortir du moralisme. En effet les enfants sortent de la chose commune (et du moralime convenu) pour mieux la souligner dans leur sillon. C'est déjà à l'oeuvre dans le barbecue de la fête : celui qui grille est grillé. Inversion du sujet et de son action.

Flandre

L'animalité revient sur le devant de la scène, mettant sur un plan, l'humain et la viande. Mais aussi l'animal et l'humain. On a aussi ça d'une autre façon dans le film de Bruno Dumont sur la Bosnie. Dans un même principe d'aller et retour. D'affirmation et de déconstruction du pays. Il y a un principe de retournement logique. Le principe moral doit être retourné et jouer de façon paradoxale exactement comme le drapeau américain à la fin de Dans la vallée d'Elah.

Dans le Village des damnés de Carpenter, la femme du pasteur dans les derniers combats contre les enfants est elle aussi carbonisée par son acte de vengeance. L'effet barbecue met en place la solidarité de la victime et du bourreau. Ou plutôt des résultats de l'action et de l'agent de l'action. Valeur - pourquoi ne pas dire "universelle" de la chose commune en acte. Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse. Il ne s'agit pas seulement de morale, mais des actes qui concernent le réel. La chose commune est une écosphère. Le prochain retour de bâton de l'Amérique est l'autodestruction du capitalisme par lui-même. On peut aligner les lieux communs : "scier la branche sur laquelle on est assis". Mais pour nous il y a urgence. Urgence d'agir avec les forces politiques et instituionnelles, avec la politique, les rouages démlocratiques. Urgence de ne pas s'en contenter. Comme le montre depuis longtemps un certain nombre de films. Ne pas se contenter de la police, des médias, et de l'action des institutions. La chose commune de toute façon nous en comprenons ici l'une des dimensions : elle est en acte. L'acte ne dépasse pas la morale, il ne s'en contente pas, il la subsume. Il en extrait le principe réel et vivant. Dans le film Dans la vallée d'Elah, cet acte est un principe esthétique : "l'effet barbecue". En fin de compte nous posons la question suivante : quel est le rapport de l'esthétique trash, à l'irak ? (Nous sommes dans la fiction).

Bowling for colombine et Elephant

Et si finalement il y avait quelque chose à garder dans Michael Moore, dans par exemple Bowling for Colombine : le réalisateur à gros sabots, met en rapport la tuerie organisée par de jeunes gens, avec le métier de pilote de chasse du père dans des conflits dits exterieurs si je me souviens bien. Car le point d'interrogation du film se situe bien dans qu'est ce qui fait le pendant du coup de force de ses adolescents, son point d'origine. Nous sommes dans une réflexion morale au sens fort : nos actes ont des conséquences. Ce qui s'oppose diamétralement au film Elefant de Gus van Sant qui évacue la question, la met de côté. Le film est incomparablement plus puissant que celui de Moore sur le plan du cinéma du cinéma. En revanche incroyablement plus pauvre du point de vue moral, la causalité de la violence se réduisant à la pratique des jeux vidéo par ces adolescents.

Le rapport du gore qui nous vient des news... et du celui du gore mis en scène...Telle l'image de cette torche humaine inoubliable dans mon esprit d'enfant et d'adulte. Poser des questions d'adultes comme des enfants. Faire parler les enfants. Les enfants écrasés en ont assez de se taire. Nous avons assez de voir des enfants se taire en nous.

Voyage au bout de l'enfer?

Similarité, celle du drapeau américain érigé dans les deux films. Mais dans La vallée d'Elah "L'autre" n'y apparaît pas qu'en creux, comme victime, comme photo. Dans Le film de Cimino, l'autre c'est l'image du vietcong cruel, mais aussi la diaspora polonaise américaine insérée dans le paysage américain. Ce que l'on ne retrouve pas dans une vallée D'Elah plus identaire, plus fondamentaliste, plus proche de l'ancien testament. La communauté de référence ce n'est plus une diaspora, mais "la" famille américaine. Deer hunter (Voyage au bout de l'enfer) arrive juste après le déclin de la nouvelle gauche américaine issue des années soixante. On peut y mettre en corrélation, le ciment communautaire, et l'abaisement du fusil, l'abandon de la chasse, autour du drapeau et de l'hymne américain. 35 ans plus tard avec un nouveau bourbier, Dans la vallée d'Elah on retourne le drapeau. Qu'est-ce qui a changé ? Un doute, une faille dans ce qui fait l'esprit de positivité, l'essence des américains. Dans la vallée d'Elah on sent un poids de fatalisme face à ce qui apparaît comme une mécanique de guerre qui prend son origine dans l'esprit américain lui-même. Ce retournement nous dit le personnage principal, est le signal de la catastrophe. Simultanément il est le retournement de la logique de guerre, tout aussi bien que de l'esprit américain. Une ambivalence qui n'échappe à personne. J'ose penser que le paradoxe dont il est question, que cette guerre d'Irak, pourtant réelle renvoie au système économique qui la porte ; que le doute dont il est question est celui que nous avons envers notre socle économique désormais universel et dont l'Amérique est pour l'instant le centre.

dimanche 14 octobre 2007

Images de la colère


Il ne s'agit pas à proprement parler d'un film dans ce commentaire : mais de la fronde qui s'est étendue cette semaine dans tous les médias. Et dont la création d'un musée de l'immigration a été le ferment. Les médias sont puissants dans la bêtise, ils peuvent aussi l'être dans l'intelligence, la révolte. Ils forgent une opinion. Ils façonnent aussi notre "identité".

La première fois que le mot identité a résonné dans mon esprit c'est dans l'utilisation de la notion de peuple que Elie Faure. Il l'a utilisée pour trouver au niveau artistique quel était l'esprit des peuples. J'ai reconnu que nous sommes pris dans un ferment culturel puissant.


Les médias créent des images visuelles et sonores. Ils transforment les mots en images. Alors que les mots donnent l'apparence d'être sans imaginaire, ils en montrent au contraire la teneur. Ils en montrent aussi l’institution (c’est le cas de le dire), ils les retournent. Cette déconstruction n'est pas l'affaire de spécialistes seulement, mais devient l'affaire de tous.

En voici quelques uns : ADN, GENETIQUE IMMIGRATION, MINISTERE, CONTROLE, FAUX CHOMEURS, En quelques mots nous avons tous les dangers et les défis que nous adressent notre monde. Et avec eux la colère qui gronde.

Qu'est-ce que nous entendons par "le" politique ? Personne ne peut avoir la propriété de la réponse à cette question. C'est pour cela que nous voulons la poser dans un débat.

et déjà cela pose les conditions d'un problème. En effet celui qui pose la question, pose aussi simultanément le cadre d'un débat. Il en donne le cadre, les termes.
Pourtant il faut bien, et c'est ce que font les hommes politiques que nous posons la question si nous voulons agir. Voilà un paradoxe : la démocratie est le pouvoir de tous, mais ce pouvoir n'est possible que par le pouvoir de chacun. Par sa façon d'infléchir la chose mis en commun.

La question simultanément adressée à tous, elle est aussi la propriété de tous. Uniquement dans la mesure où, paradoxe, nous sommes intimement concernée par elle. Que nous en faisons une question personnelle. Qui engage notre destin, notre horizon, notre façon de nous positionner et d'agir à la fois personnelle et collective.

Cela renvoie à traiter une question qui s'adresse à nous de façon personnelle et collective, celle de notre participation à la société. Quand un homme politique, peu importe les responsabilités dont il est investit, institue un ministère dit de "l'identité française et de l'immigration", dans son énoncé il répond à la question à la place des autres. Ce n'est pas comme on dit dans l'esprit d'un rassemblement, d'un traitement à égalité de toute forme de vie. Peu importe les responsabilités, cet homme, Nicolas Sarkozy, se veut plus responsable que nous de ce que nous sommes et de comment nous devons vivre avec les autres. Cet homme nous dépossède de la question.

De cette façon, "la"politique pourrait-elle être entendue comme une façon d'obturer de fermer la question : « du » politique ? J’ai un autre point de vue. Poser la question du politique c'est aussi bien poser la question des rapports de la société civile à ses institutions.

Il s'agit d'une pensée et d'une action. D'une pensée active et versus, d'une action réfléchie.

Alain Arnaud